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  • : Campo Stellae (Le champ des Etoiles)
  • : Je suis Pèlerine et Citoyenne d'un monde que je parcours en tous sens depuis des années. Par mes récits, croquis ou aquarelles, fictions, photos, carnets de voyages, je laisse ici quelques traces des mondes réels ou imaginaires que je traverse...
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pour suivre mon cheminement,
par le "CAMINO FRANCES" 
jour après jour,
choisissez les étapes
dans la liste ci-dessous :

Le 1er jour :
Monfort/Habas
Le 2ème jour :
Habas/Sauveterre
Le 3ème jour :
Sauveterre/ Saint-Palais
Le 4ème jour :
Saint-Palais/Ostabat
Le 5ème jour :
Ostabat
Le 6ème jour :
Ostabat/Bussunarits
Le 7ème jour :
Bussunarits/St-J-Pied-de-Port
Le 8ème jour :
St-Jean-Pied-de-Port/Hunto
Le 9ème jour :
Hunto/Roncevaux
Le10ème :
Roncesvalles/Viscaret
Le 11ème jour :
Viscaret/Zubiri
Le 12ème jour :
Zubiri/Pamplona
Le 13ème jour :
Pamplona/Uterga
Le 14ème jour :
Uterga/Lorca
Le 15ème jour :
Lorca/Estella
Le 16ème jour :
Estella/Villamayor
Le 17ème jour :
Villamayor/Los Arcos
Le 18ème jour :
Los Arcos/Viana
Le 19ème jour :
Viana/Navarrete
Le 20ème jour :
Navarrete/Najera
Le 21ème jour :
Najera/Santo Domingo
Le 22ème jour :
Santo Domingo/Belorado
Le 23ème jour :
Belorado/S-Juan-de-Ortega
Le 24ème jour :
S-Juan-de-Ortega/Burgos
Le 25ème jour :
Burgos/Hornillos
Le 26ème jour :
Hornillos/Castrojeriz
Le 27ème jour :
Castrojeriz/Boadilla
Le 28ème jour :
Boadilla/Carrion
Le 29ème jour :
Carrion/Calzadilla de la C.
Le 30ème jour :
Calzadilla/Sahagun
Le 31ème jour :
Sahagun/Calzadilla de los H.
Le 32ème jour :
Calzadilla/Mansillas
Le 33ème jour :
Mansillas/Leon
Le 34ème jour :
Leon/Villar de Mazarife
Le 35ème jour :
Villar de M./Hospital de Orbigo
Le 36ème jour :
Hospital de Orbigo
Le 37ème jour :
Hospital de Orbigo/Astorga
Le 38ème jour :
Astorga/Rabanal
Le 39ème jour :
Rabanal/Riego de Ambros
Le 40ème jour :
Riego/Cacabellos
Le 41ème jour :
Cacabellos/Vega de Valcarce
Le 42ème jour :
Vega/Hospital da Condesa
Le 43ème jour :
Hospital da Condesa/Triacastela
Le 44ème jour :
Triacastela/Sarria
Le 45ème jour :
Sarria/Portomarin
Le 46ème jour :
Portomarin/Palas de Rei
Le 47ème jour :
Palas de Rei/Ribadiso de Baixa
Le 48ème jour :
Ribadiso de Baixa/Santa Irene
Le 49ème jour :
Santa Irene/Santiago
Le 49ème jour (suite) :
Santiago de Compostelle
Le 50ème jour :
SANTIAGO DE COMPOSTELLA
Le 51ème jour :
Santiago/Negrera
Le 52ème jour :
Negrera/Olveiroa
Le 53ème jour :
Olveiroa/Finisterra

 

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Les Mousquetaires de l'Art

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15 mars 2005 2 15 /03 /mars /2005 17:57

Si Cyrano de Bergerac vivait aujourd'hui, peut-être aurait-il l'apparence de Bernard...
(qu'Edmond Rostand me pardonne !)
 
 
Bernard Ceyrogeac
 
 
 
C'était il y a peu, tout juste quelques années, j'habitais place de l'Eglise, dans un petit village des bords de la Garonne et la maison de Monsieur Ceyrogeac jouxtait la mienne et formait l'angle de la rue des Ecoles et de la rue du Théâtre Royal.
 
Monsieur Ceyrogeac était mon plus proche voisin et la promiscuité de nos deux jardins n'était en rien gênante ; c'était un vrai plaisir d'entendre, chaque dimanche matin, sa voix tonitruante reprendre, avec un enthousiasme hebdomadier, les tirades les plus fameuses du théâtre classique, parfois avec emphase, parfois avec ironie, parfois avec une douceur étonnante, mais toujours avec justesse et talent.
 
Monsieur Ceyrogeac était un théâtreux, pas une star, pas un has-been, simplement un amoureux de la scène… un amoureux des beaux mots, qui, devant un parterre impromptu, ne ratait jamais le plaisir de faire s'envoler les mots ou jongler les belles phrases. Sa voix le servait à merveille, mais il était aussi, il faut bien le dire, un homme unique et inimitable.
 
Son visage, d'abord, rayonnait de bienveillance ; jamais larmoyeur, un sourire friponneau et permanent étirait sa bouche gourmande et une ironie coquine brillait au fond de ses yeux, bleu délavé, dans l'eau profonde desquels on percevait, en plus d'une indéniable intelligence, un humour incisif et peut-être aussi une once de nostalgie.
 
On eut voulu l'ignorer que c'eut été impossible, il déplaçait son enveloppe corporelle comme un cirque déplace son chapiteau : M. Bernard Ceyrogeac occupait tout l'espace. Monsieur Ceyrogeac était très imposant. A vrai dire, M. Ceyrogeac était obèse. Peut-être en souffrait-il mais en tous cas il paraissait n'en éprouver aucun complexe. Au contraire, quand il marchait il semblait pousser l'air devant lui, se frayer un chemin comme un brise-glace fracasse la banquise.
 
Un souvenir jaillit soudain de ce passé récent et eu égard à l'endroit où je me trouve maintenant, je me retiens de rire franchement. L'incident est probablement encore dans toutes les mémoires de ceux qui sont venus l'honorer aujourd'hui...
 
Réunis par la douceur de ce début d'été, nous étions quelques-uns assis sous les platanes qui rendent encore plus conviviales les soirées estivales de certains villages du Sud-Ouest. Nous parlions comme il se doit de la pluie et du beau temps et comme à son habitude, M. Ceyrogeac participait avec brio à cette conversation sans prétention où nous goûtions ses mots, simplement, pour le plaisir.
 
De façon très brutale, trois ruffians éméchés s'imposèrent soudain dans cet échange léger, en lançant un perfide :
 
- Ta gueule grosse baleine !
 
Subséquemment, un silence interloqué fit place à l'harmonie communale. Mais tout aussi promptement, notre « hérault », en un geste ample et étrangement aérien se campa devant l'exacteur et pourfendant l'air avec un sabre imaginaire déclama de sa voix de stentor :
 
AHAHHH !
 
-         Ah non ! c'est trop faiblard jeun' gommeux de mes deux !
-         T ' aurais pu trousser ça, en deux mots : beaucoup mieux !.
-         Et, piètre crapoussin, en montrant ton talent,
-         Au lieu de dégoiser, le dire élégamment !
-         Comme pareillement :
 
Agressif :
 
         -     Moi, faquin, si j'avais un tel ventre
         -     J'exigerai illico qu'on me le dégonflasse !
 
Amical :
 
         -     Mais n'es-tu point gêné ainsi, dans ton aisance
         -     Par cette sympathique protubérance ?
 
Descriptif :
 
         -     C'est le Mont Blanc, c'est l'Everest, le K2
         -     Que dis-je ! Mais c'est le Kilimenjaro !.
 
Curieux :
 
         -     Et de quoi te sert donc cette prohéminence ?
         -     De phare, de radar, de perchoir à Jacquot ?
 
Gracieux :
 
         -     Vraiment faut-il aimer péronnelles et guenuches,
         -     Pour leur offrir ainsi un ballon de baudruche !
 
Truculent :
 
         -     Au moins si tu veux faire bonne chère et bombance,
         -     Te sens pas trop gêné d'agraver l'apparence !
 
Prévenant :
 
         -     Pour maintenir à flot une telle bedaine,
         -     Penses à utiliser une paire de bretelles
 
Tendre :
 
         -     Comme il doit être intéressant,
         -     D'y poser sa joue en dormant
 
Pédant :
 
         -    Tu dois être, nul doute, un fat ou un jocrisse,
         -    Pour te rengorger tant d'un éléphantiasis,
 
Cavalier :
 
         -    Seigneur de courte-botte
         -    Peux-tu voir seulement le fond de ta culotte ?
 
Emphatique :
 
         -     Quel vent ferait frémir une telle montagne
         -     Si ce n'est qu'une violente tramontane.
 
Dramatique :
 
         -      Cette odieuse charnure dispense de mise en scène !
 
Admiratif :
 
         -     Pour un restaurateur, Palsembleu quelle enseigne !.
 
Lyrique :
 
         -     Est-ce là un tonneau, serais-tu donc Bacchus ?
 
Naïf :
 
         -     Faut-il prendre un ticket pour en faire le tour ?
 
Respectueux :
 
         -     Munissons-nous d'un décamètre,
         -     Pour ce travail de géomètre ..
 
Campagnard :
 
         -     Où donc que t'as trouvé l'énorme potiron ?
         -     Qui te sert de plastron, ma foi l'est ben giron ..
 
Militaire :
 
         -     Canoniers : à vos pièces !
 
Pratique :
 
         -     En dormant sur le ventre t'économiseras
         -     L'achat trop onéreux d'un excellent mat'las !
 
AhAhhhhhhhhh !
 
Et dans un ultime trémolo, Bernard Ceyrogeac battit l'air de ses grands bras, laissant cois les mastards médusés et son public esbaudi et conquis par deux fois.
 
Ce sont les mêmes, aujourd'hui, sous ce soleil d'automne, qui viennent saluer l'artiste au dernier acte de sa vie. Le cimetière se vide et curieusement certains sourient, comme si une fois encore sa présence tangible nous ramenait sous les platanes vers lesquels nous nous dirigeons machinalement.
 
Je me retourne vers la maison que j'habitais encore il y a moins de 10 ans. Des géraniums lierres roses croulent en flots abondants par dessus la rambarde du balcon. L'air est aussi doux qu'autrefois, je m'amuse à écouter chanter l'accent que j'ai quitté pour d'autres rives lointaines.
 
C'est alors que j'aperçois cette dame superbe que j'avais remarquée plus tôt. Nos regards se croisant je m'avance vers elle.
 
Elle me dit aussitôt :
 
         - Je ne lui savais pas tant d'amis.
 
         -  vous le connaissiez aussi ?
 
         -  Oui nous étions amis !. Et son regard humide me dit bien d'autres choses encore...
 
         -   Enchantée de vous connaître, je m'appelle Christiane.
 
         - Christiane, oui je sais, il m'a parlé de vous, vous étiez son amie et sa voisine aussi.
 
Et elle ajoute :
 
         - Enchantée moi aussi, je m'appelle Roxane.
 
 
 
Martine Réau-Gensollen
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13 mars 2005 7 13 /03 /mars /2005 20:17

... Vous est-il arrivé d'avoir l'impression de revivre tout à coup LE cauchemar qui avait hanté vos nuits d'enfants ??...

 

L'Hypogée des Dunes

 

1 - Les rives du Clain

J'habitais à cette époque dans la demeure familiale qui appartenait à mes grands-parents maternels, située Boulevard Aboville (rebaptisé plus tard rue du Petit Polygone) dans le quartier des Dunes. Ce quartier, construit sur les hauteurs de Poitiers, domine encore aujourd'hui les rives ombragées du Clain où j'appris à nager.  

 

 

La vie y était douce, du moins c'est une part de mon histoire dont je conserve de merveilleux souvenirs. Des souvenirs ensoleillés, des images d'étés torrides où nous allions rafraîchir nos corps en plongeant dans les eaux claires de cet affluent de la Vienne. Depuis la maison familiale située à 3 bons km de notre objectif, nous descendions par la rue des Dunes, ma soeur, mes deux plus jeunes frères et moi, jusqu'aux rives du Clain. Nous étions lourdement chargés : un panier contenant une bouteille de piquette, confectionnée par grand-père, du pain et des bananes, ou du raisin et quelques reines-claude du jardin, et surtout une chambre à air, mais pas n'importe laquelle, une chambre à air de camion. Elle était énorme, et nous devions la porter à trois. Ce n'était pas une mince affaire. tirant, poussant, suant, nous descendions vers le Pont-Neuf, puis il fallait bifurquer sur la gauche, longer les murs de l'asile de fous, et faire semblant de ne pas les entendre hurler derrière leurs fenêtres. J'avais terriblement peur que l'un d'entre eux, passant son bras au travers des barreaux, m'agrippe en passant  et me retienne … mais c'était un passage obligé pour aboutir au layon qui bordait la rivière et plonger enfin dans ses eaux fraîches ou se laisser porter, tous les quatre blottis dans l'énorme chambre à air, au gré du courant, jusqu'à l'écluse de chez Joutteau.

2 - La Pierre Levée et L'Hypogée

Pour éviter l'asile de fous, il y avait bien un autre chemin, mais il était encore  plus terrifiant, prononcer simplement son nom nous donnait des sueurs froides. Il fallait dans ce cas, prenant au nord et contournant le quartier de la « Pierre Levée » passer par l'Hypogée des Dunes..

Lorsqu'une ou deux fois par semaine ma mère m'envoyait chez le Père Léonard acheter quelques légumes, je devais passer devant l'Hypogée et pour peu que le temps fût gris, que le vent soufflât fort ou que quelque nappe de brume enveloppât l'endroit, les lieux devenaient parfaitement sinistres. A l'approche du grand portail de fer rouillé qui en marquait l'entrée, mon coeur se serrait, mes jambes flageolaient, mes mains devenaient moites et j'étais prise d'un vertige qui ne s'atténuait que lorsque, traversant la rue de la « Pierre Levée »,  je changeais de trottoir et m'éloignais en courant de cet endroit maudit. Il faut dire que ce lieu mythique était particulièrement impressionnant : de hauts cyprès centenaires bordaient l'allée centrale, occultant la moindre parcelle de lumière. L'allée s'enfonçait vers des profondeurs aussi terrifiantes qu'inexplorées et mes oreilles résonnaient des mises en garde impératives de ma mère, agrémentées par force détails concernant les us et coutumes attribués à ceux qui avaient enterré là leurs morts plus de mille ans auparavant. Le plus terrifiant était cette petite parcelle, à gauche de la chambre mortuaire, parsemée de pierres tombales de la grandeur d'un berceau de nouveau-né. On racontait que les restes funestes étaient ceux d'enfants qui avaient été enterrés là vivants. J'en rêvais la nuit et dans mes cauchemars se mêlaient les cris des fous de l'asile et les petits bras tendus, sortant des tombes minuscules et s'accrochant à mes vêtements sans que je puisse m'en défaire. Et cette image qui revenait sans cesse d’une fillette épouvantée qui traversait la rue en courant pour échapper aux bras tentaculaires… Cette fillette c’était moi… Je tentais dans mon rêve noir de lui insuffler assez de force pour s’enfuir… mais ses jambes, dans un effort dérisoire, refusaient d’avancer… l’angoisse était telle que je me réveillais en nage, une boule nerveuse m'obstruant la gorge, incapable de proférer un son… Mais lorsque, le calme revenu et la lumière du jour ayant chassé toutes les horreurs de la nuit, ma mère me demandait d’aller au potager du Père Léonard, et donc de passer devant l’hypogée, je n'aurais refusé pour rien au monde de m’y aventurer, car ce lieu fantastique m'attirait autant qu'il me terrorisait.

D'autant que je me souvienne, durant les quelques années où je vécus là-bas, je n'ai jamais trouvé assez de courage pour franchir le seuil de cette nécropole antique.

3 - La Vierge des Dunes

Je n'étais jamais revenue sur les lieux de cette partie de mon enfance. Notre séjour à Poitiers s'était terminé à la mort de mon grand-père. J'ai souvenir de nombreuses et tumultueuses discussions entre ma mère et ma grand-mère, qui, finalement voulu rester seule dans la grande maison, et qui petit à petit dilapida ses biens en les distribuants autour d'elle contre de menus services. A sa mort il ne restait plus rien des 8 appartements qu'elle possédait à Ligugé et dont les loyers représentaient la base de ses revenus personnels, il ne restait rien non plus de l'immense propriété des Dunes, vendue pour une bouchée de pain à des promoteurs immobiliers. Je n'avais plus aucune raison de revenir dans la région, j'avais seulement un pincement au coeur lorsque d'aventure, entre le Sud-Ouest où je me suis installée et la Normandie où j'ai quelques parents, je passais parfois sur l'autoroute et apercevais au loin les hauteurs de Poitiers.

Ce fut donc par un hasard providentiel que je me retrouvai, quelques années plus tard, assistant à un séminaire informatique organisé pendant 3 jours par mon entreprise, sur le site du Futuroscope. Une demi-journée de liberté nous avait été octroyée pour nous permettre un peu de détente. Je décidai de revenir sur les traces de mon enfance. Retrouver le quartier ne fut pas difficile. Surplombant la ville, le promontoir des Dunes bénéficiait toujours d'un point d'appel bien visible. La Vierge des Dunes étendant sa main bienveillante sur la ville du haut de ses 18 mètres  Un peu d'appréhension me vint lorsque j'abordai le dernier virage et entrai dans le quartier des Dunes. Je reperrai très vite l'emplacement de la maison d'autrefois, occupée par une bâtisse sans âme, mais remarquai que le perron en pierres de taille qui faisait la fierté de mon grand-père, avait été conservé et restauré. Cela donnait un air prétentieux à la nouvelle construction. Le portail et les murs de la propriété avaient disparu,  et du magnifique terrain de jeux que représentaient les 2 hectares de fruitiers d'antan, il ne restait que quelques centaines de m2 bitumés, flanqués de 3 immeubles sans originalité. Je fus surprise malgré tout de constater que l'emplacement de l'ancien puit était encore visible malgré la couche de bitume. On y voyait encore nettement le cercle de la margelle.  La mort dans l'âme je regrettai déjà d'être venue ici enterrer mes souvenirs. Ceux que j'avais gardés dans mon coeur étaient tellement plus beaux… Mais la journée était belle, le ciel était bleu, je décidai donc de poursuivre ma ballade sans but précis.  

4 - Le tombeau de Mellebaude

Laissant la voiture de location près du terrain de sport de la nouvelle gendarmerie, je partis à pieds, reprenant, machinalement le chemin qui conduisait chez Léonard. J'avais une impression curieuse, comme si tout était disproportionné ou comme si soudain j'étais devenue « Gulliver » dans un monde de Lilliputiens. Impression que l'on a probablement lorsqu'on revient dans un endroit où l’on a vécu enfant.

Sans m'en rendre compte, je me retrouvai tout à coup devant l'Hypogée et ne pus m'empêcher de rire. Mes terreurs enfantines étaient bien loin. La journée était magnifique, le soleil me chauffait doucement les épaules, l'air était parfumé des odeurs de mon enfance, je franchis d'un pas décidé l'entrée de ce qui semblait être devenu un chantier archéologique. Cela me fut confirmé par la pancarte fichée au bord d'un trou de fouille qui indiquait que ces travaux étaient entrepris par l' « European Science Fondation » dans le cadre d'un programme de recherche européen. J'appris ainsi que cette sépulture souterraine avait été découverte en 1878 par le père Camille de la Croix et que construite à l'origine (au 7ème siècle) pour abriter le tombeau d'un abbé nommé Mellebaude, elle représentait aujourd'hui, monument unique en Europe,  l'un des plus anciens joyaux de l'art du Haut-Moyen-Age. Négligeant d'autres panneaux qui interdisaient l'accès du chantier, je m'engageai alors dans l'allée bordée de cyprès qui avait tellement impressionné mon enfance.  

5 - Les sarcophages 

 

L'allée n'était pas si longue qu'elle m'avait semblé à l'époque, mais étrangement, après avoir franchi quelques mètres,  je fus surprise par le silence soudain qui prit possession de l'espace.

Je me retournai, j'apercevais encore, entre les arbres, le soleil toujours présent, mais une sourde angoisse venait brutalement de me saisir. Je secouai la tête en tentant un rire qui s'étrangla dans ma gorge. Néanmoins je continuai d'avancer vers l entrée de la nécropole. Celle-ci avait été dégagée par les récents travaux, et l'accès en était facilité par une grosse corde tendue, à usage de rampe, qui s'enfonçait dans la pénombre. Je descendis crânement les quelques marches accueillantes et sentis revenir mon assurance. J'entrai dans une sorte de pièce concave, assez grande, dont le sol semblait avoir été balayé, et où, dans une sorte de niche creusée dans la paroi je trouvai des bougies et une boîte d'allumettes. Rassurée par ces traces de vie bien réelles, je pris une bougie, l'allumai, en fit couler quelques gouttes sur une pierre plate et fixai la bougie sur la pierre afin de regarder un peu mieux l'endroit où je me trouvais maintenant. La pièce était en effet assez vaste, et les murs et plafond étaient recouverts d'inscriptions que je n'arrivais pas à déchiffrer clairement mais où revenait plusieurs fois le nom de Mellebaude. A la lumière vacillante de mon bougeoir improvisé je pénétrai plus avant dans la salle. Tout au fond deux couloirs partaient à l'horizontale et sur ma gauche, un escalier descendait sans doute vers une autre salle. Je pris l'escalier et quelques marches plus bas découvris en effet une sorte de salle circulaire dans les parois de laquelle des niches de tailles plus importantes avaient été creusées. Au bout de cette chambre mortuaire se découpait dans le calcaire une issue près de laquelle une énorme pierre taillée à angles droits semblait monter la garde. Je m'avançai encore en tenant haut ma bougie et aperçus une salle identique à la précédente mais cette fois-ci les cavités semblaient contenir quelque chose. Je m'approchai, mue par la curiosité et vis distinctement des sortes de sarcophages. La salle elle-même était décorée de magnifiques fresques murales représentant, autant que je pus le distinguer à la pâle clarté de ma bougie, des monstres marins, d'énormes serpents, des figures à l'allure humaine et des personnages ailés, peut-être des anges. Le tout paraissait intact, comme si les cercueils avaient été placés là la veille.

J'en avais vu assez pour exorciser les peurs de mon enfance et décidai de quitter l'endroit (qui somme toute n'était pas plus effrayant qu'une chapelle) et de rejoindre la surface où la douce chaleur du soleil commençait à me manquer.  

Alors que je faisais demi-tour pour rejoindre le niveau supérieur, je ressentis comme un malaise. Absorbée par la contemplation des fresques, je n'avais pas vu que les couvercles des sarcophages avaient glissé doucement, que des ombres rampant vers le sol en étaient sorties, qu'elles parvenaient maintenant à ma hauteur. Simultanément, ma bougie s'éteignit. Poussant un hurlement de terreur  je me ruai en direction de l'issue taillée dans le calcaire, sentis le souffle de l'énorme pierre qui retombat bruyamment derrière moi. Faisant appel à toute ma volonté pour me diriger dans le noir j'arrivai au pied du deuxième escalier. La terreur qui me dominait ralentissait mes gestes, comme dans un rêve où faire un pas en avant demande une énergie démesurée. Je grimpai tant bien que mal, m'aidant de mes mains qui tremblaient, de mes genoux qui défaillaient, j'arrivai dans la première salle, celle des bougies et découvrai alors l'inconcevable.  La salle brillait d'une étrange clarté, mais aucune issue ne donnait plus sur l'extérieur. Seuls les deux couloirs  aperçus initialement étaient toujours là et une sourde rumeur montait à mes oreilles… les inscriptions gravées dans la pierre semblaient battre le tempo, elles ondulaient en vagues irrégulières et j'entendis distinctement scander ces mots, MEL - LE - BAUDE, MEL – LE - BAUDE,.. Je n'eus pas d'autre choix dans ma fuite que de poursuivre en m'engoufrant dans le premier couloir qui s'ouvrait à moi. J'entendis mes poursuivants, rampant, chuintant, sifflant, grondant, je sentis confusément, des frôlements, des grincements, des ricanements, ma raison vacillat. Lorsque je sentis le sol se dérober sous mes pieds, je le vécu presque comme une délivrance. J'avais le souffle court, je ne pouvais plus courir, j'étais à bout de force, et je me laissai tomber sans plus lutter. 

 

6 - Epilogue… J'ai repris connaissance il y a quelques minutes, j'ai revécu comme dans un cauchemar les évènements qui m'ont amenée ici. J'y vois à peine et le peu de lumière qui arrive jusqu'à moi semble provenir, très haut au-dessus de ma tête, d'un espace étroit d'où j'aperçois le ciel. Aucun bruit alentour. Réfléchir. Je bouge avec difficulté. Tous mes membres sont douloureux. Si je pouvais atteindre cette ouverture …

Le jour décline. Vient la nuit. Puis le jour suivant, la nuit, le jour. Depuis combien de temps suis-je ici ?

Durant toutes ces heures j'ai laborieusement creusé, avec mes ongles, des entailles dans le calcaire tendre, me rapprochant de l'ouverture. J'en suis à un mètre. Je m'arqueboute pour ne pas être entraînée à nouveau vers le bas. Je sors une main par l'ouverture et tente de l'agrandir en poussant de toutes les pauvres forces qu'il me reste ce qui semble l'obstruer. La pierre résiste. Je passe un bras, m'accroche au bord extérieur, pousse de l'autre autant que mes dernières forces me le permettent. La pierre ne bouge pas. Dans un effort surhumain je pousse avec mes pieds contre la paroi, le bras tétanisé accroché à ce qui semble être une vasque de pierre, mon visage progresse de quelques centimètres vers la lumière. Je vois le ciel, les arbres, je n'ai que le temps d'apercevoir et de reconnaître, tout près,  le regard terrorisé d'une fillette aux boucles blondes qui change de trottoir et traverse la rue en courant, avant de retomber dans le néant.

Martine Réau-Gensollen

 

précisions de l'auteur : l'Hypogée des Dunes n'est pas un endroit fictif, il existe bel et bien... si vous voulez plus d'informations, cliquez sur ce lien, ou trouvez-en d'autres sur le web...

 

http://www.musees-poitiers.org/

ou encore :

 

http://www.encyclopedie-universelle.com/hypog%E9e%20des%20Dunes.html

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