Le 22ème jour : Dimanche 7 mai - Santo Domingo de la Calzada/Belorado (26 km) | |
Je quitte le refuge vers 7 h 30, il fait beau, je me sens en pleine forme… Je prends la Calle Mayor et dépasse la cathédrale où avait lieu hier soir le concert de musique classique puis je sors de la ville et passe sur le pont du Rio Oja au bord duquel une petite chapelle monte la garde.
Derrière moi soudain, un bruit de foule dans le petit matin… je suis rejointe par une nuée de Brésiliens très gais et très bruyants … A ce groupe joyeux se sont jointes deux femmes, une française et une suisse. J’avais prévu de marcher seule, mais notre pas s’accordant je fais route avec toute la bande et finalement je suis gagnée par l’hilarité générale… J’ai l’impression d’être revenue des années en arrière et, galopine aux genoux écorchés, de battre la campagne avec une bande de joyeux lurons. Petit à petit les écarts entre les uns et les autres se creusent et la bande se délite au fil des kilomètres… Vers 10 heures je quitte la Province de la Rioja pour rentrer dans la Province de Burgos et donc dans la région autonome de « Castille y Leon »…. Et je me retrouve à nouveau seule, comme d’habitude et comme finalement j’aime le mieux marcher.
Je passe Granon sans fatigue, puis Redecilla del Camino, joli village aux maisons blasonnées. A Castildelgado, je retrouve quelques pèlerins fatigués qui hésitent à continuer et qui, finalement s’arrêtent là, à l’hôtel Chocolatero (un 3 étoiles !…). Je continue jusqu’à Viloria de Rioja, le chemin traverse le village et comme une table en bois et deux bancs semblent m’y inviter, je pose le sac et sors mon casse-croûte…
Je suis là depuis un petit quart d’heure quand je suis rejointe par deux pèlerins qui cheminent ensemble, Huguette, qui vient du Quebec et Albert qui vient de Dijon. Huguette porte un joli chapeau de paille dans lequel elle a piqué quelques fleurs des champs. Elle a rencontré Albert sur le chemin et ils ont choisi de faire route ensemble … Albert porte curieusement un chapeau tyrollien, ses joues rebondies, son air rubicond et son rire tonitruant m’indiquent qu’il taquine autant la bouteille qu’il semble porter d’intérêt aux formes girondes d’Huguette… Nous restons là une petite heure à discuter de tout et surtout de rien et repartons ensemble, mais ils ne tardent pas à me distancer et je me retrouve à nouveau seule.
Lorsque j’arrive à Villamayor del Rio dont on dit que c’est la cité des trois mensonges (son nom signifie ville principale sur le fleuve alors que c’est un village minuscule sur un ruisseau…), le ciel se fait menaçant et le tonnerre commence à gronder. Je file au pas de course (enfin, ça y ressemble plus ou moins) vers Belorado à 3 km de là et quand j’arrive au panneau d’entrée de la ville la pluie commence à tomber drue… L’Albergue n’est qu’à quelques centaines de mètres, je presse le pas mais j’y arrive mouillée jusqu’aux os pour m’entendre dire par les pèlerins qui s’y trouvent, qu’il n’y a plus de place, même par terre. Dans cet ancien théâtre communal reconverti en refuge de pèlerins, il n’y a pas non plus d’accueil et personne pour me dire où je pourrais dormir… Je repars donc vers le centre ville et je demande à la première passante venue si elle connaît quelqu’un qui pourrait m’héberger pour la nuit….
Ma bonne étoile me conduit chez une dame qui loue des chambres… il en reste une libre ! Ce soir je dors dans un vrai lit avec de vrais draps blancs tout doux, je peux prendre une douche chaude, j’ai le chauffage central pour sécher mon linge et ma chambre est même équipée d’une télévision que je suis trop fatiguée pour regarder…
Dans la chambre à côté j’entends des voix, puis un rire de stentor qui me renseigne sans doute possible sur l’identité de mes voisins, je m’endors déjà alors que le Québec et la Bourgogne scellent une alliance libertine et bruyante qui ne m’empêchera pas de plonger dans un profond sommeil en souriant aux anges…