Lorsque j'ouvre enfin la fenêtre, la lumière inonde la chambre... je me retourne vers lui. Il bouge un peu, tente d'ouvrir les yeux, bouge imperceptiblement sa main gauche qui ne lui obéit plus vraiment... Je comprends qu'il n'aime plus voir le jour... je baisse un peu les rideaux pour tamiser cette clarté qui l'agresse.
Parfois il ne me reconnaît pas et me demande dans un souffle :
"En quel honneur êtes-vous là ?"
Je lui réponds doucement :
"C'est moi papa, il fait beau aujourd'hui, regarde comme le ciel est bleu..."
Alors il soupire profondément, ou bien me dit :
"Mais où donc je suis ?"
D'autres fois j'ai plus de chance... Il me dit dès que j'ouvre les volets :
"Bonjour ma fille !"
Ces jours là je sais que nous allons pouvoir communiquer, mais je sais aussi qu'il me sera plus difficile de trouver les mots qui rassurent, qui apaisent... je ne pourrais pas tricher.
Ce matin là j'ai vu à travers la fenêtre que le robinier commençait déjà à bourgeonner. Une timide verdure colorait le bout de ses branches... et un hôte très particulier occupait, à la jonction du tronc et des branches principales, le creux en berceau formé par la ramure.
J'essaie alors de remonter l'oreiller, de le redresser en position assise, mais ses gémissements m'arrêtent tout de suite. Chaque mouvement lui est une douleur insupportable.
Alors je cours chercher mon bloc de dessin, un crayon, et vite, en espérant que cet hôte imprévu prolonge son séjour dans mon jardin, je croque l'écureuil ... que je peux enfin lui montrer.